Pour situer un peu le contexte de cet édito, nous sommes en fin de confinement, et comme toi, on a vu des coachs sortir de terre comme les soi-disant taupes qui te font rater tes frappes sur le terrain en herbe de ta ville. Avant les stories que tu consommes habituellement avec tes Nesquik (ou tes Choco Moons de LIDL) c’est une enfilade de lives de coachs que tu retrouves sur Instagram. S’il avait déjà commencé bien avant le confinement, ce boom des coachs digitaux a été mis en exergue par la crise sanitaire, puisque muni d’un iPhone et d’un trépied, @stephane_coach75015 s’est mué en Spielberg du Basic Fit depuis son appart de Vaires sur Marne.

De ce constat est née notre réflexion chez Jeune Athlete : pourquoi tout ce beau monde se met-il au coaching ? Est-ce que tous ces coachs sont legit ? Comment reconnaître le vrai du faux ? Comment s’explique la poussée du bling-bing athlétique et les nouvelles pratiques sont-elles une menace pour le sport-santé ? Pour nous aiguiller dans cet océan athlétique 2.0, nous avons demandé de l’aide à Steve Delaval, ancien international français de football américain et co-fondateur de la salle de sport parisienne Le Labo by Omegaworkout ainsi qu’à Lionel Toucet, performance coach et co-fondateur de @yanca_training, lui aussi ancien tricolore de foot U.S, et l’un des rares français à avoir gagné sa place en German Football League. Avec leur savoir-faire, leur expérience et leur vécu, nos coachs du jour nous ont apporté des réponses à ces questions que certains devraient se poser un peu plus souvent avant de se mettre à faire des burpees sur leur carrelage parce que @sabrina_fit_90 en a décidé ainsi.
Dis moi comment tu coaches, je te dirai qui tu es
Comme la boulangerie, la pâtisserie ou la déco intérieure, qui ne connait pas quelqu’un qui connait quelqu’un qui s’est converti au coaching, nouveau culte à la mode, avec comme sanctuaire, le Fitness Park du coin ou la salle branchée du Marais ? Au pourquoi, Steve nous répond : « c’est un moyen pour les gens de faire ce qu’ils veulent, ce qu’ils aiment, en gagnant un peu d’argent. Et avec les réseaux sociaux c’est beaucoup plus facile de toucher une clientèle, il suffit d’être sportif et de bien présenter et on peut être un peu crédible parce que tout le monde pense que si on peut s’entrainer soi-même alors on peut être coach et entraîner n’importe qui alors que c’est beaucoup plus subtil. » Lionel rejoint son homologue en ajoutant que « l’engouement est arrivé avec l’air des réseaux sociaux, car avant, le sport était représenté par les athlètes, nos profs d’EPS, coach fitness, d’aérobie… Par la suite les coachs comme ceux que nous connaissons aujourd’hui sont apparus et ont montré le coaching autrement grâce aux réseaux sociaux. Rappelle-toi comment c’était galère à l’époque pour trouver un programme de musculation adapté bien expliqué, aujourd’hui grâce aux réseaux sociaux c’est beaucoup plus simple. Il y a ceux qui aiment ce lifestyle, ceux qui veulent un métier qui les passionne, et ceux qui pensent que c’est un métier « facile ». » Instagram et les réseaux comme catalyseurs de vocation cachée donc… Mais dans cet océan de squats sautés et de gainage latéral, comment choisir le coach à follow ?

Les séances au détecteur de mensonge
Dans un domaine aussi vaste qu’est la performance humaine, difficile de différencier l’efficace du dangereux. Et si les détecteurs de coach mito ne sont pas encore vendus sur Wish, Steve nous donne quelques tips saupoudrés d’une anecdote salée : « on ne peut pas forcément le reconnaître directement mais c’est vrai qu’il y a des éléments techniques que nous on voit et qui sont assez marrants. Récemment on m’a envoyé le profil d’un mec qui faisait de l’agilité avec une échelle et tout, et il faisait tout à l’envers. Il avait copié un coach de Los Angeles qui entraine pas mal d’athlètes, mais en changeant le sens donc sans comprendre réellement le cheminement du training. » Lionel abonde lui aussi dans ce sens et invoque même l’appel à un ami : « si tu as mal au dos après avoir fait ta séance ahah… Plus sérieusement par rapport au contenu proposé, ses connaissances, la programmation et efficacité de ce qu’il propose. Et rien ne t’empêche de demander l’avis de quelqu’un d’autre de qualifié sur les programmes proposés par ce coach. »
Et les diplômes dans tout ça ? Ça sert de demander le CV athlétique d’un coach avant de signer avec lui ? Lionel réplique : « le diplôme permet d’avoir les connaissances anatomiques, physiologiques ou nutritionnelles. Il fait preuve de certaines validations d’acquis et permet d’avoir une sécurité pour le coach et ses coachings. Après le diplôme ne fait pas le « bon » coach, tout comme les crampons ne font pas les bons joueurs. Tout le monde ne peut pas s’inventer coach, c’est un vrai métier pas un passe temps. Il y a beaucoup d’heures d’études et de pratique. »

Mais à l’heure d’un sport plus digital que jamais, mis en orbite par le confinement, un talent numérique peut-il réellement faire squatter les foules ? Steve n’a qu’à ouvrir son Instagram : « Oui, si tu regardes le nombre d’abonnés, les likes et les commentaires. Quelqu’un qui présente bien, qui explique bien, peut prétendre à être un bon coach. Mais encore une fois, ça ne s’arrête pas au digital et à montrer un exercice, il y a toute une pédagogie en suivi, une méthodologie à mettre en place et qui est adaptée à la personne que tu as en face de toi. Encore une fois, un coach c’est quelqu’un qui entraine une personne ou plusieurs personnes, qui donne un suivi. Ce n’est pas juste quelqu’un qui montre des exercices à la perfection. Ça, tout le monde peut le faire. » Et qui dit réseaux, dit les tendances qui vont avec. Comme pour toute autre industrie, le sport digital n’est pas exempt du « toujours plus » drivé par les réseaux. Mais cette escalade est-elle vraiment bénéfique et nécessaire ?
« C’est pas les likes qui font le coach, mais… »
Des jeux de lumières dignes de Dj Snake, des élastiques aux couleurs de l’arc en ciel, de la tech façon Black Mirror, la séance la plus chaude, la plus rapide… pourquoi assiste-t’on à cette montée en puissance du bling bling athlétique ? « On assiste à ça parce qu’il y a une énorme force au niveau des réseaux sociaux et du visuel. J’ai eu cette réflexion il y a quelques mois déjà en me disant qu’il fallait faire de plus en plus compliqué avec plus de visuel pour atteindre un résultat qui était similaire à un entrainement normal. C’est juste qu’un entrainement normal au final tu te dis bon, c’est pas trop visuel et ça vend moins de rêve au gens. Donc tu vas faire une séance compliquée avec 50 élastiques, les derniers élastiques, les dernières machines derniers cris, la machine qui va bien… mais au final pour les gens lambda il n’y a pas besoin de faire si compliqué, on peut aller au plus simple » nous répond Steve du Labo. Et oui, car on ne peut plus ignorer l’ère de l’image et ses codes. Lionel de son côté retient surtout le côté positif de cette tendance : « faire toujours mieux qu’hier, comme je l’ai dit plus haut c’est une industrie en constante évolution. Le but du sport lui même est basé sur le développement, tous les jours il y a un nouveau model d’entrainement qui apparaît. Après est ce qu’ils sont tous utile… NON. » Ce « NON » en lettres capitales nous donne les pincettes avec lesquelles il faut prendre le contenu qui afflue sur les réseaux et différencier le beau, de l’utile et du sain. D’ailleurs, ce sport, est-ce qu’il est toujours sain ?

« Belek à ton dos, belek à tes genoux » *Hamza voice*
Puisqu’au final, que ce soit physiquement ou mentalement, le sport est tout de même une recherche de bien-être, de bonne santé, de bien vivre et de plaisir… comment éviter les mauvaises surprises et surtout les pépins qui nous donneraient une nouvelle excuse pour tout arrêter ? Lionel a un petit message pour les débutants : « il faut trouver un cours adapté à son niveau. Et si possible payer un coach qui accompagnera la personne durant toute la séance de manière individualisé ». Son niveau ? Mais les coachs sur Instagram ils parlent pas trop de niveau… si je suis débutant je ne peux pas tout faire ? « Ben non, pas du tout. C’est un peu ce que je vois de plus en plus. Entrainement full body, Hiit, pour débutant. Il y a des débutants qui s’envoient des grands burpees, des squats sautés alors que c’est pas la meilleure chose à faire. Tu vas te bousiller les genoux, tu vas t’abimer le coeur et flinguer ton corps. Un coach c’est pas seulement montrer les exercices que tu as en poche, c’est comprendre une méthodologie, s’avoir s’adapter aux gens que tu as en face de toi. Si tu commences le sport, commence par des choses simples. C’est comme la cuisine, si tu commences, tu ne vas pas essayer de faire des plats de chefs étoilés alors que tu ne sais pas faire des pâtes. » précise Steve Etchebest.
Et avec tous ces gens qui se sont mis à bouger pendant le confinement, on se demandait justement si cette démocratisation du sport n’était pas sa plus grande faiblesse… Steve nuance : « c’est bon car tout le monde se met au sport. Ce n’est pas seulement réservé aux athlètes. C’est aussi ça qu’on a voulu mettre en place au Labo, c’est un sport adapté à tous et pas seulement aux sportifs de haut niveau. Adapté et accessible à tous, c’est ça la démocratisation du sport. La plus grande faiblesse, ce n’est pas tous ces charlatans, mais tous ces gens qui s’autoproclament coach ou athlète et qui montrent un maximum d’exercices sans expliquer pourquoi on les fait ou sans proposer un chemin qui t’amène à cet exercice et cette séance. C’est un peu le bas de ce domaine. Je pense que le fitness aide beaucoup à ces pratiques car il y a 10 000 personnes qui se proclament coach dans ce milieu. Il faut faire attention et être un peu plus lucide dans ce qu’on nous apporte et ce qu’on nous propose. »
Voilà, maintenant tu peux cliquer sur le live de ton coach préféré et faire tes burpees en connaissance de cause.
